Invité 2009 #71 : Bruno Bellamy
Posté par We Do BD
Notre 71ème invité est un petit nouveau au Festiblog, mais un vieux de la vieille de la blogosphère BD. En effet, il publiait ses dessins en ligne que le mot "blog" n'avait pas encore été inventé! Auteur de BD et illustrateur pour la presse (essentiellement informatique), nous aurons le plaisir d'accueillir cette année le papa des célèbres pin-ups sexy, les "Bellaminettes", voici Bruno Bellamy :
Qui es-tu ?
Bruno Bellamy, auteur de BD et illustrateur. Même si ma vocation, depuis tout petit, était de faire de la BD, j'ai surtout fait de l'illustration de presse, dans des magazines comme Casus Belli, Joystick, Mana Rouge, le Virus Informatique, 100% Linux, et tout un tas d'autres. Côté BD, j'ai dessiné, sur scénario de Marc Bati, une série qui s'appelait Sylfeline, chez Dargaud, et qu'on ne trouve malheureusement plus, et démarré chez Delcourt une série intitulée Showergate. Deux sketchbooks sont également parus avec mes p'tits dessins dans la prestigieuse collection du même nom, chez Comix Buro. Il semble en tout cas que ce qu'on retienne le plus (ou le mieux) dans mon oeuvre, ce sont les demoiselles gentiment coquines que j'ai dessinées, surtout dans la presse, et qui depuis quasiment les débuts se sont vues affublées du sobriquet de "bellaminettes". Bien sûr, je ne me résume pas à mon statut professionnel, mais je ne saurais pas trop comment me décrire, alors peut-être que le reste on en parlera pendant le FestiBlog, suivant l'inspiration. ;)
Comment as-tu commencé à dessiner ?
Heu... au fond de la classe, avec un Bic 4 couleurs. ;) En fait, je sais pas trop. J'ai toujours aimé les chouettes dessins, la BD, et ça m'a donné envie d'en faire, alors j'ai beaucoup gribouillé, jusqu'au moment où je me suis dit que je pourrais même essayer d'en faire mon métier, et à partir de là songer à tout ce qu'on pouvait faire avec le dessin : inventer des univers, y faire vivre des personnages, raconter des histoires, chercher le sens de la vie, ce genre de trucs... As-tu suivi une formation ?
J'ai surtout appris en regardant ce que faisaient les auteurs que j'admirais, et en essayant de recopier, à ma sauce. Après le bac, bien sûr, j'ai fait de mon mieux pour entrer dans une école d'art, pensant que c'était la voie logique, mais ça n'a pas très bien marché (moi et l'école, c'est pas trop ça...). Finalement, des années après avoir commencé à bosser, j'ai repris des cours de dessin d'anatomie, je me suis replongé dans des ouvrages techniques, et c'est probablement plus là, en quelque sorte par une sorte de formation en alternance, que j'ai vraiment suivi une formation. En tout cas, outre le travail personnel, là où j'ai le plus appris, c'est en bossant avec des pros confirmés (et sympas !), comme Marc Bati, Olivier Vatine, ou avec les conseils de gens comme Moebius. Quand on a la chance de pouvoir se faire "démonter" ses pages par des références comme ça, faut en profiter, alors j'ai pas hésité. :)
Peux-tu présenter ton blog ?
http://bellaminettes.com/blog/ : c'est, en gros, un blog autour de ma série Showergate, où je publie principalement des crayonnés. On y trouve des strips BD, mais plus souvent des croquis au gré de l'inspiration, ou des news et des previews autour de mon travail sur la BD ou les illustrations. Presque toujours, il s'agit de crayonnés, car je trouve que cette étape du dessin, à peine dégrossi, est particulièrement intéressante à montrer dans sa fraîcheur initiale, quitte à laisser plein de gros défauts et de trucs mal finis. Ce genre de choses reste trop souvent inédit, à cause justement du côté inachevé, et le fait qu'un blog soit justement un moyen de diffuser des choses toutes fraîches, d'actualité, va bien, je crois, avec l'idée de montrer des croquis "frais du jour". Pourquoi as-tu commencé à bloguer ?
Au départ, je voulais juste faire une rubrique "croquis de la semaine" sur mon site principal, http://bellaminettes.com. Un jour, alors que je déjeunais avec Moebius (oui, encore lui !), je lui parlais de la frustration que je ressentais à ne pas bosser sur de la BD à ce moment là. Il m'a suggéré, au lieu de montrer sur mon site des crayonnés sans lien entre eux, de profiter de ce support de diffusion pour improviser une BD. L'idée était juste de faire en sorte que ces croquis se suivent, construisent une histoire, au petit bonheur, pour de rire... L'idée m'a plu, et j'ai tenté l'aventure. C'est comme ça qu'a commencé le projet "Showergate", qui était une improvisation on-line bien des années avant de devenir une BD papier. Le truc, c'est qu'à l'époque (octobre 2001 pour la première case), je ne sais même pas si le terme "blog BD" existait. Je ne savais pas ce qu'était un blog, et j'écrivais tout le code du site à la main, c'était du bricolage... En fait, je faisais un blog BD bien avant l'heure, sans le savoir !
Quel public voulais-tu rencontrer ?
Les amateurs de bellaminettes, bien sûr, ceux qui suivaient déjà mes élucubrations sur le web (mon premier site date de fin 1995, je passe mon temps à jouer les pionniers ;)). Et peut-être les futurs lecteurs de ce qui pouvait devenir une vraie histoire, même si à l'époque, bien évidemment, je n'avais aucune idée de la tournure que ça pouvait prendre.
Et finalement qui sont tes lecteurs ?
Alors ça, mystère ! D'après ce que je vois en dédicace, en tout cas, mes lecteurs sont vraiment tous très différents : il y a les fans de la première heure, comme les lecteurs de Casus Belli ou Joystick, les lecteurs de ma première série BD, Sylfeline, mais aussi plein d'amateurs (ou de professionnels) d'informatique, qui lisaient des canards comme le Virus Informatique, ou les magazines consacrés à Linux, univers où j'ai pas mal sévi. Il y a aussi plein de nouveaux venus... Et dans tout ça, il y a des jeunes, des moins jeunes, des hommes, des femmes, d'autres blogueurs... Ça me plaît bien, de constater que mon boulot intéresse toutes sortes de gens, mais clairement, ça n'aide pas à "cibler". ;)
Combien de temps passes-tu en moyenne sur tes notes ?
Ben des fois je poste un petit dessin fait en un quart d'heure, et d'autres fois c'est un strip qui peut prendre presque une journée de boulot. C'est très très variable... Est-ce que ce sont des dessins spécialement faits pour le blog ?
Pour les strips BD, oui. Mais les croquis faits un peu au hasard sont motivés par plein d'autres choses. Des fois il s'agit de travaux préparatoires (pour la BD, pour des dessins de presse, etc), parfois il s'agit de trucs faits comme ça, au feeling, quand je gribouille pour passer le temps, ou pour chercher des idées. Je dessine aussi beaucoup dans les transports en commun, et il en sort parfois un truc que je trouve intéressant à montrer (si ça ne bougeait pas trop dans le wagon, quoi)...
Avec quoi dessines-tu ?
Avec ce que j'ai sous la main ! J'ai appris avec des techniques traditionnelles (et pour cause, la tablette graphique, à l'époque où j'ai débuté dans le métier, ça n'existait tout bonnement pas !), mais comme j'ai toujours été fasciné par l'imagerie numérique, je me suis mis au gribouillage virtuel dès que ça a été abordable. Donc certains trucs sont faits dans mon carnet de croquis, au porte-mines, d'autres avec ma tablette Wacom, et souvent c'est un mélange des deux, comme un croquis fait au crayon, dans le train, puis scanné, et retouché à la tablette. Souvent, j'utilise au départ deux porte-mines : un avec une mine bleue, pour le premier jet, et un autre avec une bonne vieille mine noire HB, pour préciser le trait. Quand je scanne le résultat, je renforce les contrastes pour aboutir à un simili-encrage, mais assez souvent, pour la diffusion sur le blog, je garde aussi les traces de crayonné en bleu, parce que je trouve que ça donne une troisième dimension au dessin, une dimension temporelle : en voyant sur la même image les étapes préliminaires et les étapes finalisées, on suit l'évolution du travail dans le temps, bien que l'image ne soit pas animée. Ça me semble particulièrement intéressant à montrer, parce que ça apporte un aspect didactique. Et c'est aussi pour ça que j'ai adopté la formule du blog, pour le côté "making of". De fait, surtout dans les débuts de showergate.net, j'ai beaucoup commenté mes crayonnés pour expliquer un peu les procédés techniques que j'employais. On retrouve cet esprit dans les sketchbooks publiés chez Comix Buro, qui contiennent pas mal de choses que j'avais montrées en plus basse définition sur le blog, et qui sont accompagnées de beaucoup d'explications pour les amateurs de détails techniques et de "recettes maison".
Quelles sont tes influences graphiques ?
Nombreuses ! Je dévore plein de trucs, en BD, en illustration, en manga, en comics, et évidemment je digère ce que j'aime bien, et ça finit par transparaître dans mon propre travail. Avant tout Moebius, qui reste LA super référence pour moi, depuis que j'ai lu "Major Fatal" quand j'étais gamin. Mais aussi Bati, bien sûr, avec qui j'ai longtemps travaillé, Olivier Vatine (Aquablue !), Dany (Olivier Rameau), Mézières (Valérian), Didier Crisse, Frazetta, Claire Wendling, Akira Toriyama, Hayao Miyazaki, Geoff Darrow, Masamune Shirow, Caza, Kosuke Fujishima, Mitsuru Adachi, Kei Toume, M.C. Escher, Alphonse Mucha, Arno, Charles M. Schulz, et forcément j'en oublie plein...
Combien de temps passes-tu sur les blogs des autres ?
Je ne sais pas... trop, sans doute ! ;)
Quels sont ceux dont tu es fan ?
En fait, c'est la liste de liens sur mon blog qui me sert de collection de bookmarks, donc mes préférés sont faciles à retrouver. ;) Comme beaucoup, je pense, je suis surtout accro au blog de Boulet, mais je visite régulièrement aussi celui de Manu-XYZ, collègue et pote de longue date (on bossait ensemble dans le Virus Informatique), et dont j'ai suivi l'étonnante progression. L'un de mes blogs préférés n'est pas un blog-BD, c'est "One Day One Bird", où l'on peut voir chaque jour un nouvel oiseau, magnifiquement dessiné, par une amie (de longue date, aussi !), passionnée d'ornithologie et d'aquarelle. Ça fait du bien aux yeux. :)
As-tu fait des rencontres grâce aux blogs ?
Ben, étonnamment, j'ai toujours été un peu à l'écart de la blogosphère, je ne sais pas bien pourquoi. Comme quoi être un pionnier n'est guère un facteur de succès. Du coup, j'ai assez peu fait connaissance avec les autres auteurs de blogs, sans compter bien sûr ceux de mes amis qui ont créé le leur. Peut-être que le FestiBlog BD sera l'occasion, enfin, de rencontrer un peu de cette population... :)
Es-tu sensible aux commentaires ?
Bien sûr ! Je ne suis pas partisan de mener mon activité en fonction de la demande du public, parce que je pense que le boulot d'un artiste est plutôt de surprendre (c'est un travail de création, pas une prestation de service), mais comme on le fait pour que ce soit vu, c'est drôlement important d'avoir des retours. En plus, le blog, surtout avec le parti-pris que j'ai adopté de miser avant tout sur les crayonnés, sur des dessins en devenir, c'est avant tout un champ d'expérimentation, alors il faut des réactions, des regards extérieurs, un peu de contradiction et de critique. Au moins, déjà, pour être sûr que quelqu'un est venu voir... ;)
Pour toi, quels sont les points forts du blog et de la BD en ligne ?
Eh bien avant tout il y a ce côté "laboratoire d'expérimentation" évoqué ci-dessus. Mais il y a aussi là, je crois, le moyen de compenser le manque terrible qui a été laissé par la disparition des magazines de BD. Quand j'étais plus jeune, il y avait des titres comme Pilote ou Métal Hurlant, qui jouaient un rôle absolument essentiel dans l'univers de la BD. Petit à petit, ils se sont transformés en supports de prépublication, jusqu'à ce que les lecteurs s'en désintéressent complètement, et préfèrent attendre la sortie des albums. Du coup, il n'y avait plus de support de presse pour la BD, ça a été une perte terrible, je trouve. Avec le web, il devenait possible de combler ce vide, y compris dans le domaine amateur, puisqu'on avait alors les moyens d'une diffusion mondiale, en couleurs, et instantanée, pour du contenu qui autrefois aurait tout juste pu être publié dans des fanzines à 50 exemplaires en photocopie noir et blanc. Je trouve que c'est un super point fort ! Et les points faibles ?
Ben le gros point faible, c'est justement que du coup ça reste amateur... Je veux dire, personne ne paiera pour consulter du contenu en ligne, pendant que plein d'autres sites proposent du contenu comparable gratos. Alors bon, on peut mettre des bannières de pub, mais moi je déteste ça. Je ne veux pas que des pubs pour des assureurs ou des croquettes pour chiens viennent squatter l'espace que viennent visiter mes lecteurs. Bon, j'y fais un peu de pub, pour mes propres bouquins, mais y'a pas vraiment de quoi rentabiliser le boulot investi sur le site, l'hébergement, l'achat des noms de domaine. Donc bon, faut se faire à l'idée que c'est juste pour la gloire, j'imagine. Reste que ça prend du temps, et qu'il faut bien vivre pendant ce temps là. Alors ce qui me gêne un peu, c'est le risque que les visiteurs de ces blogs finissent par croire que tout ce contenu n'a pas de valeur, que si c'est libre d'accès c'est que ces dessins se font en quelques minutes, super facilement, et que les gens qui les réalisent ne sont pas vraiment des professionnels, que tout ça c'est juste pour de rire. Difficile de savoir ce qu'ils en pensent vraiment, au fond... C'est un peu comme les dédicaces : tant que ça se fait de manière sympathique et respectueuse, ça peut être très gratifiant, pour l'auteur comme pour les lecteurs. Mais le jour où les lecteurs se conduisent comme si c'était une prestation qui leur est due, ça casse l'ambiance. J'ai déjà pu constater ce genre de dérives, et je n'aimerais pas trop que ça contamine l'univers des blogs BD. Pour l'instant, les visiteurs sont polis, et apportent même vraiment quelque chose de précieux et de sympa dans la vie du blog. Comment penses-tu que la blogosphère BD va évoluer ?
Je n'en sais trop rien. Le fait que, de plus en plus souvent, des blogs BD se retrouvent publiés en bouquin papier, apporte un élément nouveau. De projets menés "pour le fun", on passe à un système de prépublication conçu comme tel, qui pourrait très bien dériver vers ce qui a fait perdre de son intérêt à la presse BD d'autrefois. D'un autre côté, si c'est un moyen pour que les auteurs de blogs BD puissent vivre un peu de leur art, ça leur permettra de continuer à le pratiquer, et ça c'est bien. Mais est-ce que ça va conditionner leur façon de faire, et comment ? Boulet en parle, justement, dans ses "Notes" chez Delcourt. Je suis curieux de voir quelle réponse la réalité apportera à ces questions. Je m'inquiète aussi un peu du fait que, comme ces blogs éventuellement destinés à la publication papier sont faits sur le temps libre de leurs auteurs, sans qu'un éditeur ne paye d'avances sur droits (procédé normal, en revanche, dans l'édition BD traditionnelle), on pourrait aller vers un marché où les éditeurs vont privilégier ce mode de production, évidemment bien moins risqué pour eux financièrement. Les auteurs non-blogueurs se retrouveraient alors à la rue. Déjà que vivre du métier d'auteur c'est pas de la tarte (pas de protection contre le chômage, pas de congés payés, etc, bref la super-précarité king size), si la mode des blogs BD oblige les auteurs, pour survivre à la concurrence, à renoncer au système des avances sur droits, ça va pas le faire. Et dans ce cas, le risque, c'est que la BD (sur le web ou en papier) ne dérive très rapidement vers un mode de production ultra-rapide, où il faudra forcément faire au minimum une page par jour, ce qui évidemment ne convient pas à tous les types de dessin ou de narration. Si la blogosphère BD pousse la BD professionnelle dans ce genre d'extrémité, les dommages qualitatifs seront énormes, et le temps que la mode minimaliste actuelle soit passée, les dégâts seront irréversibles.
Penses-tu que les gens vont de plus en plus lire de BD en ligne ?
Je n'en sais rien du tout. Moi j'en lis pas mal, mais je reste également très attaché au livre en papier, et je ne crois pas vraiment que ça soit une question de génération. Franchement, quand je vois à quel point les gens qui prédisaient la mort du livre se sont mis le doigt dans l'oeil, je ne sais pas quoi penser de ce que pourrait être l'avenir. J'ai juste envie de dire "on va bien voir". ;) De toute façon, au final, moi ce qui m'intéresse c'est de raconter des histoires intéressantes avec de jolis dessins. Tant qu'il y a moyen de faire ça, je me fiche bien du support. Il y a juste que si je ne peux vraiment plus en tirer de quoi payer mon logement et ma nourriture, vu que c'est un boulot à temps plein, eh bien il faudra que j'arrête. Donc j'espère simplement qu'on n'en arrivera pas là. Sans ça, eh bien, les seuls qui pourront continuer à en faire seront ceux dont le boulot (rémunéré) leur prend suffisamment peu de temps, ou qui ont gagné au Loto, ou qui vivent chez leurs parents. Je n'entre dans aucune de ces catégories...
De manière générale, penses-tu que la BD numérique (à lire sur le web, sur iPhone, sur PSP...) pourrait nuire à la BD papier ?
Inutile, je crois, de faire preuve de fausse pudeur : le risque auquel songent la plupart, c'est que les lecteurs prennent la sale habitude de trouver normal que les contenus numériques soient gratuits, et ne se posent plus du tout la question de savoir si les auteurs peuvent manger ou pas. Parce que la vraie question ne porte pas sur le choix "écran ou papier", mais bien sur le choix "payant ou gratuit". Il faut payer pour le papier, et un pourcentage revient à l'auteur, qui peut manger, ce qui est bien (si l'auteur n'a pas mangé depuis deux semaines, ça se voit sur les dessins, c'est moins joli). Pour la diffusion sur écran, c'est nettement moins évident de faire payer le lecteur, et a priori, s'il peut éviter de payer, ben il préfère (ce qui est assez compréhensible, d'ailleurs, même si ça résulte d'une vision à trop court terme). À l'heure actuelle, on ne sait pas vraiment si les téléchargements illégaux nuisent aux ventes de CD ou de DVD, et personne ne s'est sérieusement posé la question concernant le livre en général, ou la BD en particulier. Tout le monde se tire dans les pattes, en avançant des chiffres plus ou moins bidons et des arguments qui sont à peu près aussi hypocrites d'un côté que de l'autre, les "pirates" tirant à boulets rouges sur les "majors", tout le monde se foutant bien, dans l'histoire, du devenir des auteurs. Je ne parle même pas des "solutions" comme HADOPI ou la "licence globale" qui sont à peu près aussi irréalistes et délirantes les unes que les autres, ceux qui les proposent se foutant royalement de savoir si ça peut marcher, et ne se préoccupant que de leurs intérêts propres. Comme je connais bien la question du numérique (linuxien de longue date, passionné d'informatique depuis l'époque des machines 16-32 bits du temps de ST Mag, collaborateur de magazines comme Pirates Mag qui traitait sans détour des sujets qui fâchent dans le domaine de la sécurité informatique, etc), que je m'intéresse de près au droit d'auteur (j'interviens souvent à ce propos dans le cadre de l'Association des Auteurs de Bande Dessinée), et que je ne me laisse pas trop facilement embobiner, je m'étais retrouvé en première ligne lors de l'audience de la délégation des auteurs de BD devant la commission Patino, chargée de rédiger pour le gouvernement le rapport du même nom sur, justement, l'avenir numérique du livre. Je ne sais pas si ce que j'y ai dit (principalement pour défendre les questions de droit moral, et demander à ce qu'on ait le souci de tenir compte des nécessités d'interopérabilité, et de compatibilité avec les logiciels libres) aura été utile ou pas, mais ce que j'y ai entendu m'a fait frémir. Il est clair pour moi que la plupart des auteurs, si le code de la propriété intelectuelle, écrit à une époque où l'Internet n'existait évidemment pas et ne pouvait encore être sérieusement prévu, n'est pas modifié pour tenir compte de l'intérêt des créateurs d'oeuvres de l'esprit (et non pas de l'intérêt des seuls diffuseurs, comme c'est le cas actuellement avec les joyeusetés hadopiennes), vont rapidement être en grand danger. Et la plupart ne s'en rendent même pas compte... Alors je ne sais pas si la BD numérique peut nuire à la BD papier, mais un truc qui est sûr, c'est que ceux qui ont pour profession d'en tirer le plus gros profit sont déjà en train d'affuter leurs couteaux, et de se demander à quelle sauce ils vont pouvoir nous bouffer. Donc à mon avis, le problème ne viendra pas des lecteurs, ou des questions liées au téléchargement illégal. En revanche, si on n'y prend pas garde, les modes d'exploitation commerciale qui se mettront en place pour réaliser du profit rapide et facile ne seront vraiment ni à l'avantage des auteurs ni à celui des lecteurs. Faut rester vigilants, là c'est l'intérêt de la BD qui est en jeu, et je suis très curieux de voir comment ça va se mettre en place...
Où peut-on voir ton travail en dehors des blogs ?
J'ai aussi un site perso, dont j'ai parlé plus haut, bellaminettes.com, surtout consacré à mes illustrations, mais je n'y fais plus guère de mises à jour depuis que je consacre l'essentiel de mon temps à mon boulot sur ma BD. Mais je songe à fusionner mon blog et ce site, et à tout rassembler au même endroit. Je continuerai à alimenter le blog, mais il sera complété des rubriques thématiques déjà existantes. Et puis bien sûr, il y a mes bouquins en papier, cf. ci-dessous. ;) As-tu des albums ? Peux-tu nous les présenter ?
Ma première série, Sylfeline, n'est plus au catalogue de son éditeur. Alors pour se la procurer, c'est pas facile. D'occase, peut-être, je sais pas. J'ai démarré une autre série, cette fois en tant qu'auteur complet (scénar, dessin et couleur) chez Delcourt, ça s'appelle Showergate. Mais comme je viens de l'annoncer sur mon blog (en BD...), le deuxième et dernier tome ne sortira finalement pas, le premier n'ayant pas fait les chiffres attendus. Mais on a pu trouver une astuce pour publier la fin de l'histoire, afin de ne pas laisser en plan les lecteurs du premier tome : elle sera publiée, condensée, dans mon dernier sketchbook, chez Comix Buro. Chez eux, j'ai déjà publié un premier sketchbook, l'année dernière, et le deuxième vient juste de sortir, et contient comme son nom l'indique, en plus de la fin de ma série BD, plein de croquis et de "making of".
Qu'attends-tu de ta venue au Festiblog ?
Eh bien des rencontres sympa, le plaisir de pouvoir dialoguer avec les lecteurs autrement que par une interface de rédaction de commentaires. Le virtuel, c'est cool, mais la vraie vie, c'est tout de même autre chose ! :)
Parle-nous d'un truc qui n'a rien à voir avec la BD et que tu aimes ?
J'aime le chocolat, j'aime le concerto n°2 pour piano de Rachmaninov, j'aime les câlins, j'aime le bruit du vent dans les feuilles des arbres, et plein d'autres trucs, mais je n'en parlerai pas, parce que ces choses là il faut les vivre, et non en faire des discours... :)
Un dernier mot ?
Oh oui alors, et pas n'importe lequel ! Le mot qui, je crois, est le plus important, et que trop peu de gens utilisent encore sur l'Internet ou ailleurs, mais que j'aimerais bien vous dire : merci ! :)