Lucile Gomez, invitée 2008 #46
Posté par We Do BD
Bienvenue à la talentueuse Lucile Gomez qui sera en dédicace pour la première fois cette année !
Qui es-tu ?
Lucile Gomez. Je suis une "mademoiselle" qu'on appelle de plus en plus souvent "madame". Parfois j'ai encore des boutons d'acné et pourtant j'ai déjà des rides. Je rigole très facilement sauf quand ça me fait pas rire. Je suis seule mais bien entourée, parce que j'aime bien les gens, sauf ceux que je n'aime pas. Je n'ai pas de chat et pourtant je parle avec lui. Je suis très altruiste et sais surtout parler de moi. Je ne sais pas vraiment bien pourquoi mais j'aime bien tenir mon blog. :)
Comment as-tu commencé à dessiner ?
Avec les mains. C'est de loin ce qui m'a semblé le plus pratique. J'ai commencé très petite, à la crèche sans doute, puis à l'école… Tous mes camarades dessinaient aussi. J'ai grandi en me racontant des histoires la tête penchée sur une feuille. Un jour, j'ai levé les yeux et me suis aperçue avec stupéfaction que certains ne dessinaient plus. Quand on est petit on chante, on dessine, on danse… ensuite on se concentre sur certaines activités. Certains ont arrêtés de dessiner, moi j'ai arrêté les concours de crachats.
As-tu suivi une formation ?
Après un bac littéraire, j'ai suivi d'un peu loin une classe prépa pour normal sup. C'était pas très rigolo. Puis je suis allée à l'ENSAAMA Olivier de Serres, une école d'arts appliqués à Paris. Là c'était formidouble. J'y ai appris beaucoup et j'y ai bien rigolé. Plus que le dessin, ma vraie passion dans la vie : la rigolade.
Peux-tu présenter ton blog ?
Sur mon blog, je mets en scène un personnage que j'appelle mystérieusement "Mademoiselle". Ce personnage, ce n'est pas moi. C'est juste une fille de mon âge, avec la même coupe de cheveux et souvent les mêmes problèmes, les mêmes idées, les mêmes envies que moi… La Mademoiselle du blog a un chat noir qui nommé Méphistofélix. Il est son confident, sa conscience, son bouc émissaire, son Gimini Cricket…
Pourquoi as-tu commencé à bloguer ?
Je vous mets dans l'ambiance. On est au mois de janvier. À peine rentrée d'un voyage en Inde je prends une grosse rupture amoureuse dans la figure. Déboussolée, je quitte l'appartement que je partageais avec "lui", et me réfugie dans une chambre de bonne. 16 mètres carrés de dépannage. Simple vitrage, froid, bruit du boulevard. Bien qu'au 6ème étage, je suis au fond du trou. Le ciel est gris, les nuits sont longues. Je pleure dedans, il pleut dehors. Bref, la seule fenêtre qui m'offre de la lumière est celle de mon ordinateur. Je passe alors beaucoup de temps derrière mon ordinateur, avec msn, skype, gmail… mes flux rss… un vrai truc à choper des dents bleues (cf la Chanson du Dimanche :) À cette période, je découvre beaucoup de blogs. Comme je ne dessine plus beaucoup depuis un moment, je me dis que montrer mes dessins à mes amis qui sont loin, mais aussi à des inconnus, enfin… MONTRER DES DESSINS À DES GENS peut être une bonne façon de me motiver à reprendre mes crayons, et surtout de me changer les idées.
Quel public voulais-tu rencontrer ?
Des gens qui m'aiment bordel !
Et finalement qui sont tes lecteurs ?
Difficile à savoir… Ma mère ? À priori on peut penser que mes lecteurs sont plutôt des lectrices. Mais je réalise avec plaisir que, finalement, pas mal de garçons aiment bien me lire. Je ne peux pas les voir à travers l'écran, et tous ne laissent pas de commentaires, alors je me demande bien à quoi ils ressemblent, ces foutus lecteurs :) Parfois, je rencontre quelqu'un, le copain de bidulus, ou la cousine de machinette… qui me dit : "au fait, je lis ton blog". C'est chouette ! Par contre, certains de mes amis s'en balancent pas mal. Et, non… je ne leur en veux pas du tout. D'ailleurs, je ne peux pas même pas vous dire de qui il s'agit, car après avoir effacé leurs numéros de mon téléphone, je m'applique à oublier leurs noms. :)
Combien de temps passes-tu en moyenne sur tes notes ?
Trop. Je ne compte pas parce sinon je ne le ferais plus. Une note très simple (faire un dessin, le scanner, le formater, le mettre en ligne…) me prend au minimum une heure.
Est-ce que ce sont des dessins spécialement faits pour le blog ?
Non ! Je ne les fais pas pour le blog. Je les fais pour les lecteurs. Avant, je tenais des carnets avec tout plein de petites bd sur ma vie quotidienne. Je le fais toujours. Mais quand je prépare une histoire pour le blog, je pense au lecteur. J'essaie de rendre le texte et les images bien lisibles, ce qui n'est pas le cas du tout dans mes carnets intimes. J'essaie aussi d'éviter les notes trop privées qui ne parleraient qu'à ceux qui me connaissent. À part ce genre de petites bd spécialement pensées pour le support blog, de temps en temps, j'aime aussi partager un croquis ou le petit bout d'un travail en cours…
Avec quoi dessines-tu (crayons, pinceau, palette...) ?
Avec ma main droite. Dans cette main, je place un crayon gris ou un pinceau, dessous du papier blanc. Souvent, je fais des lavis gris à l'encre de Chine, que je bidouille subtilement sur l'ordinateur pour les mettre en couleur. Mon objectif est qu'on voit le moins possible l'intervention de l'informatique, alors je compte sur votre discrétion.
Quelles sont tes influences graphiques ?
J'en ai beaucoup, mais c'est parfois inconscient. Ceux qui m'influencent le plus sont ceux dont le style graphique sert un propos. J'admire aussi bigrement les dessinateurs, mais ce qui compte le plus pour moi sont les histoires, l'univers d'un auteur. J'aime Franquin, son trait vif et ses récits tantôt naïfs avec "Gaston", tantôt grinçants avec "Les idées noires". J'aime Bill Watterson et ses "Calvin&Hobbes", son énergie graphique n'est pas là pour faire l'intéressante, mais pour servir la narration. J'aime Sempé, la légèreté de son coup de crayon et le regard tendre qu'il porte sur ses contemporains. J'aime Quino, l'efficacité de ses dessins et l'intelligence drôle de ses saynètes. Ce sont eux les piliers de mes influences. À part ceux-là, j'admire bien sûr beaucoup beaucoup beaucoup de monde !! Souvent parmi mes proches d'ailleurs, qui ne sont pas (encore) connus. Le travail de ma copine Blonde par exemple.
Combien de temps passes-tu sur les blogs des autres (par jour ? par mois ?) ?
Trop. Je ne compte pas sinon je ne le ferais plus. Mais je trie de plus en plus ce qui me plait.
Quels sont ceux dont tu es fan ?
Bastien Vives, parce que c'est libre, beau, piquant. Everland parce que c'est réactif, pertinent. Les bd de Pauline parce que c'est frais, drôle, insolent. Les toujours ouvrables parce que c'est plein d'énergie, un peu fou, hilarant parfois. Bien d'autres encore… Et puis, tous ceux que je chéris mais pour lesquels je ne suis pas objective parce qu'il s'agit de mes amis…
As-tu fait des rencontres grâce aux blogs ?
Pour l'instant, je n'en ai pas fait qui aient débouchées sur une rencontre dans la vraie vie. Mais des rencontres qui restent cachées derrière l'écran, ça oui. La plupart sont professionnelles, quelques autres de copinage. Quelques emails ou commentaires ne suffisent cependant pas pour que je considère quelqu'un comme un ami, ou pour que je parle de véritable rencontre. Même s'il existe des exceptions. Depuis le mois de juin, j'entretiens une relation e-épistolaire avec une personne rencontrée par le biais de mon blog. Je pense que nous ne tarderons pas à nous voir in vivo.
Es-tu sensible aux commentaires ?
Plutôt, oui ! Et je suis très scrupuleuse : je réponds presque systématiquement. J'aime retrouver mes quelques habitués. En tant que lectrice je n'en fais que très rarement, même quand j'estime savoureux ce que je vois, alors je sais relativiser leur importance.
Pour toi, quels sont les points forts du blog et de la BD en ligne ?
Du point de vue du lecteur je relèverai moults avantages : la gratuité, la diversité, le foisonnement des propositions, le fait qu'on peut lire vite fait au bureau, entre 2 réunions, sans éveiller les soupçons du chef ou des collègues… Du point de vue du bloggeur aussi : la liberté de faire selon ses envies sans la pression du projet ficelé pour un éditeur, la simplicité de mise en ligne, la large diffusion qui coûte pas un rond, la possibilité de montrer son travail facilement.
Et les points faibles ?
Du point de vue du lecteur : l'effet de communauté qui pousse parfois les bloggeurs à faire des private joke, et qui peuvent rendre les histoires un peu hermétiques, le foisonnement qui fait que parfois on ne sait plus où aller regarder, le temps passé à fouiller toute la toile à la rechercher d'une perle, alors qu'on a une vraie vie avec de vrais trucs à faire !!! Du point de vue du bloggeur, le danger est peut-être de se laisser emporter par le pseudo succès de la blogosphère, de ne dessiner plus que pour le blog, s'y complaire dans un copinage et se croire le maître du monde. Qu'est ce qui nous pousse à faire un blog ? La nécessité de raconter, d'écrire, de dessiner ? Ou l'envie de se faire une bande de potes virtuels, de devenir vip et pipole ? Dans les blogs les plus lus (Boulet, Cha, Kek…) on sent le plaisir pris par l'auteur, sans l'obsession des statistiques. Selon moi, c'est pour ça qu'ils plaisent.
Comment penses-tu que la blogosphère BD va évoluer ?
Aucune idée. Tant mieux. J'espère qu'elle va être inventive et donc me surprendre !
Penses-tu que les gens vont de plus en plus lire de BD en ligne ?
C'est fort possible. C'est mon cas.
De manière générale, penses-tu que la BD numérique (à lire sur le web, sur iPhone, sur PSP...) pourrait nuire à la BD papier ?
Personnellement je n'achète que très rarement de bd papier (je sais c'est mal). On peut espérer que la bd gratuite en ligne fasse découvrir le neuvième art à de nouveaux lecteurs. On peut imaginer que ces lecteurs se mettront à acheter de la bd papier alors qu'ils ne l'auraient pas fait sans le clic et déclic du web. Et puis le support internet peut faire surgir de nouvelles formes de bd impossibles sur papier. Papier et écran offrent des possibilités et des plaisirs différents. Selon moi, l'un et l'autre se nourrissent et s'enrichissent sans forcément se nuire.
Où peut-on voir ton travail en dehors des blogs ?
Dans le monde matériel, sur des cartes postales, jeux, petits livres illustrés… et puis dans mes albums de bd. Sur internet, j'ai un vieux, très vieux site que je n'ai jamais mis à jour. Sinon, on peut voir mes premières histoires en bandes dessinées faîtes pour le webzine "desseins". Nous avions créé ce webzine, mon amie Karine Bernadou et moi pour avoir un support où dessiner, où nous entraîner en quelques sortes. Comme se lancer seule fait un peu peur, que c'est plus rigolo à plusieurs et que nous fréquentions beaucoup de personnes talentueuses, nous avons monté ce projet. Nous avons réalisé que nous connaissions avant tout des filles qui dessinaient, alors que le monde de la bd débordait plutôt d'auteurs mecs. C'est pourquoi nous avons décidé de faire un webzine de filles, à parution menstruelle : "desseins, des filles qui en ont". Nous aimons aussi les garçons, alors un "boy du mois" était invité pour chaque numéro. Chaque mois nous nous donnions un thème. Le premier thème a tout naturellement été "les seins". Au bout d'une semaine de mise en ligne, un éditeur m'a contactée pour faire un livre de mon histoire. L'expérience du webzine a été très positive, pour moi, mais aussi pour beaucoup de nos participant(e)s. Et puis sans le savoir, Karine et moi avions senti le vent tourner : aujourd'hui les filles sont de plus en plus nombreuses à s'exprimer en bandes dessinées, les éditeurs s'intéressent beaucoup à elles.
As-tu des albums ? Peux-tu nous les présenter ?
J'ai 2 albums. Le premier s'intitule "des seins" et est paru aux éditions "Le Cycliste". Il est donc issu du webzine "desseins". Je m'y amuse à parler de tout ce qu'on ne dit jamais sur ces glandes mammaires (à part quand on est entre copines) : leur apparition à l'adolescence, et tous les problèmes que ça peut engendrer, les problèmes de soutifs, les complexes des unes et des autres… Tout est bien sûr sujet à faire des blagues, des bons mots idiots, des jeux … C'est un album très spontané. Je n'avais aucune pression au moment où je l'ai fait. Il s'agissait pour moi de faire une histoire pour mes copines sur notre tout nouveau webzine. Je n'imaginais même pas que ça puisse devenir un livre ! Le deuxième album s'appelle "Les fables de Belle Lurette". Au départ on m'a contactée pour inventer la rubrique d'un magazine. Puis finalement, on en a fait un livre. La contrainte était de faire quelque chose de très féminin. Comme la vie des filles n'est pas seulement faites de soldes et d'épilations, j'ai abordé des thèmes un peu plus variés. Au final, cet album parle des soucis quotidiens d'une jeune femme comme une autre, bien qu'elle soit plus impulsive et plus rêveuse que la moyenne. Les histoires sont des petites fables, avec une moralité à la fin. Moralité qui fait prendre du recul sur les situations cocasses vécues par le personnage.
Qu'attends-tu de ta venue au Festiblog ?
Des rencontres ! Des rencontres ! Je travaille toujours toute seule chez moi alors que j'adore les rencontres.
Parle-nous d'un truc qui n'a rien à voir avec la BD et que tu aimes ?
J'aime faire du vélo en ville et chanter, boire des apéros, aller au cinéma, les kinder surprises, les écureuils, le chocolat, les voyages, me réveiller et ne plus savoir où je suis, la randonnée en montagne, les vagues de l'océan, être amoureuse, les chats, les jours qui rallongent, les pistaches, le vin, les grasses matinées, voir la voie lactée, les feuilles qui craquent en automne, la buée qui sort de la bouche en hiver, les fleurs au printemps, l'été tout entier, le bruit de la pluie, mes baskets noires, les courgettes, les blagues nulles, éternuer, faire l'amour, papoter, boire du thé chez une copine, un expresso à une terrasse, observer les gens, les bons repas entre amis, mes amis, ma famille, qu'on me raconte des histoires, les toiles d'araignées givrées, mon sac à dos, mon ordinateur, la musique, la chanson du dimanche, les drôles de coïncidences, aller au marché, les pique-niques, les listes non exhaustives, les rencontres, recevoir un gentil sms ou une carte postale, les draps tout propres, les massages, les bains de mer, rire, faire rire, rire…
Un dernier mot ?
merci