Stevostin, invité 2008 #34
Posté par We Do BD
Notre 34ème invité est un nouveau venu au Festiblog, mais c’est loin d’être un inconnu de nos services puisqu’il s’agit de l’excellent Stevostin. Si vous êtes amateurs de jeux vidéos, de grosses vannes et de ouiches lorraines (et que vous ignorez encore qui est le papa de l’orc le plus populaire sur Internet) alors ne ratez pas l'interview de son auteur Grégory Makles.
Qui es-tu ?
Grégory Makles, a.k.a Stevostin
Comment as-tu commencé à dessiner ?
Je vais interpréter la question en « comment as tu commencé à t'investir dans le dessin », parce qu'en ce qui me concerne ça remonte à mes cinq ans et qu'à cet âge là tout le monde dessine et s'intéresse au sexe. J'ai juste dessiné « plus » lors de vacances un été, il me semble en regardant des comics. Mon premier exploit a du être de faire deux vaisseaux spatiaux (quelques triangles multicolores) sur un fond coloré, de telle sorte que toute la surface de la feuille était bien toute couverte.
As-tu suivi une formation ?
Oui. Pour faire court j'ai fait l'académie Charpentier, une prépa pour école d'art, puis enchaîné sur les Arts Décos de Paris. Là-bas j'ai fait essentiellement du graphisme et de l'animation, et ils m'ont torturé en me forçant à réaliser des petites maquettes d'architecture tortueuse en carton, carton plume, colle forte et peau de doigt.
Peux-tu présenter ton blog ?
C'est un bédéblog de geek, mais un vrai. C'est à dire qu'au lieu de raconter les choses sans importances pour le geek (les filles, les chats, les amis, les vicissitudes du quotidien...), je parle directement de ce qui compte vraiment, à savoir c'est qui qu'a la plus grosse à World Of Warcraft. Stevostin est donc réellement mon personnage dans le jeu, on peut me croiser en vrai (c'est à dire en faux). Ma street credibility est totale. Du coup j'évite d'assommer le lecteur avec des références pointues à des mécaniques de jeu dont on n'a pas grand chose à foutre... Je raconte les passions humaines à travers le jeu : l'espoir, le désespoir, la révolte devant l'injustice, et le plaisir de réussir un bon gros coup de pute au détriment d'un inconnu vague et distant qu'on imagine de droite (ou de gauche si on est de droite)(ou au Nouveau Centre si on est au Modem).
Pourquoi as-tu commencé à bloguer ?
Pour faire la pub de mon premier album (Ruppert). Ce fut un total échec : il n'y avait déjà plus d'albums dans les rayons à mon second post, la bédé étant un monde cruel... Par contre le blog lui-même a presque tout de suite eu pas mal de lecteurs. Note que je donne cette réponse totalement décomplexée parce que contrairement à ce qu'on peut imaginer, je joue à domicile quand je fais Stevostin. Je suis foncièrement un joueur, à fortiori de jeux vidéos ; j'ai toujours fait de la bédé humoristique de la filière la plus gotlibienne ; je suis à peu près – et sur ce dernier point tout comme un animateur télé - aussi con que ce que je raconte.
Quel public voulais-tu rencontrer ?
Aucun bon sang! Je hais les gens.
Et finalement qui sont tes lecteurs ?
De chic types. Oh, il y a quelques filles aussi. J'ai bien dit « quelques »....
Combien de temps passes-tu en moyenne sur tes notes ?
Une très bonne question, que je me pose souvent à propos d'autres bédébloggeurs. Actuellement, je peux faire des pointes à deux « pages » par jour, soit à peu près deux semaines de publication. Mais mes débuts, bien que plus simplistes, étaient considérablement plus lent. J'admire le travail comme le rendement de Boulet. Je ne pense pourtant pas être lent en dessin mais lui, j'ai l'impression que soit il trace comme un dieu, soit il ne glande pas beaucoup. Ce que ses notes contredisent! Cet homme est un mystère...
Est-ce que ce sont des dessins spécialement faits pour le blog ?
Presque pas. Jusqu'à il y a peu je ne faisais pratiquement aucun dessin sans une raison impérieuse (publication, dédicace, communication avec des pygmées...). Ce n'est pas vraiment une excuse mais d'un coté il est déjà dur de préserver une existence de bourgeois parisien en faisant la chaire à canon des sorties d'albums, et d'autre part, je ne peux pas dire que je sens le besoin de dessiner, ni même que j'adore ça.
Avec quoi dessines-tu (crayons, pinceau, palette...) ?
Avec un peut tout selon les moments. Ceci dit depuis un an, essentiellement de l'infographie, non pour le rendu mais pour le rendement et la flexibilité. Rendement... Flexibilité ....Je suis un peu le MEDEF de la bd, en fait (rires).
Quelles sont tes influences graphiques ?
Greg, Gotlib, Bisley, Blutch, Degas, Toulouse-Lautrec. Mais je colle à la question comme une andouille alors qu'il serait tout aussi pertinent de citer les influences narratives et scénaristiques...
Combien de temps passes-tu sur les blogs des autres (par jour ? par mois ?) ?
Très peu. Je n'ai bookmarké Boulet et Le Chien qu'il y a un mois, avant je laissais ma moitié me faire sa sélection et me la balancer sous Skype à un mètre de distance. De façon générale je préfère surfer sur le Réseau Voltaire, c'est plus rigolo.
Quels sont ceux dont tu es fan ?
Boulet et Le Chien me semblent pour différentes raisons des auteurs majeurs. Pas loin de là j'admire Chicou Chicou ; pour moi il faudrait en faire un ou plusieurs beau livres. Obion est un beau virtuose, et le Love Blog est sûrement une des œuvres les mieux fichues du genre bédéblogesque. Ah, et j'aimais bien l'ours polaire alcoolique de Wandrille... Mais bon, je ne connais pas bien la scène et en outre, il me semble qu'un peu comme en album papier, il y a un sacré paquet de truc dont j'ai rien à caguer...
As-tu fait des rencontres grâce aux blogs ?
Grâce au mien, oui. D'ailleurs dans l'ensemble j'aime bien mes fans, même les ados qui auraient sacrément besoin de niquer un coup, ou de faire l'armée, ou les deux en même temps (dans une cale).
Es-tu sensible aux commentaires ?
J'étais écroulé de rire, à l'époque où j'étais chez Soleil (« haaaaaan »), de voir que cette grosse chochotte de Denis B. pouvait passer au point mort pendant six mois sur les commentaires de quelques salopiots. Je me voyais un peu comme un Johnny Rottenbocop qui allait apprendre la vie à tout les corniauds agressifs du net en leur chiant proprement dans le cou (mais avec classe, s'entend). Finalement je suis redescendu sur la planète boue, coulé par le poids de mes propres incertitudes. Je reste assez sensible à l'opinion des commentaires... Des fois je me retiens de répondre, des fois j'échoue, des fois je vais même jusqu'à me casser un peu le popotin pour faire plaisir à des gens qui n'ont même pas saisi Reiser. Ceci dit, la plupart du temps j'ai la vie belle : mon blog est formidable, mes lecteurs m'adorent, je bois du Mai Tai. C'est la fête!
Pour toi, quels sont les points forts du blog et de la BD en ligne ?
Mettre en lien direct lecteur et auteur! Ça change vraiment tout. On peut s'insulter, se faire des mamours, s'ignorer poliment en n'en pensant pas moins. Ça fait gagner beaucoup de temps et de maturité coté auteur (regardez-moi bien, ne suis-je pas mature ? Eh bé alors ! ) et pour le lecteur, c'est autrement impliquant que d'acheter sans trop savoir si c'est du lard ou du cochon un album à prix prohibitif... pour l'oublier trois ans plus tard dans un déménagement.
Et les points faibles ?
On n'a pas actuellement de solution convaincante pour des lectures plus consistantes comme un album de 46 pages – mais j'y travaille :P A part ça il y a, plus précisément dans le bédéblog, les limites inhérentes au genre de l'auto-biographie, ou plutôt de l'auto-fiction, ce genre littéraire qui battait son plein à la fin des années 90. Pour l'instant les bédéblogs donnent s'en trop s'en rendre compte dans le cliché habituel de la bande dessinée un peu puérile et légère comparée à la littérature. Ce n'est pas tant qu'on manque d'équivalent graphiques pour des Guillaume Dustan mais soit ils n'investissent pas le bédéblog (avec les commentaires, il faut avoir une sensibilité de tank...), soit ils le fond avec un peu trop le souci de plaire. Il faut dire que dans le bédéblog la critique ne peut fabriquer un succès en portant un auteur à bout de bras. C'est dans la nature du blog que de chercher à plaire. Alors du bédéblog... D'ailleurs moi-même, et même si je vois mon travail comme une forme de mise à nu (le joueur, dans son intimité, exprime un peu son moi profond...), je considère que je n'utilise pas encore vraiment le média. Mais là encore, j'y travaille...
Comment penses-tu que la blogosphère BD va évoluer ?
Contrairement à certains de mes confrères fermement ancrés dans le papier qui voient avec le bédéblog l'avènement de la médiocrité staracadémicienne dans le monde de la bédé, je pense au contraire que le bédéblog tend vers une méritocratie radicale. Prenez l'audience cumulée des dix sites les plus lus, je suis persuadé qu'elle dépasse de très loin l'audience cumulée de tous les autres. L'enjeu essentiel me semble en fait plutôt de savoir comment les auteurs (et là je parle en particulier de ce top 10) vont faire fructifier cette influence neuve, dans un contexte où tout ce qu'il manque, c'est le modèle économique. (Ce qui, nous le savons depuis que les fondateurs de Google peuvent se payer le Sierra Léone, n'a rien d'un obstacle insurmontable.)
Penses-tu que les gens vont de plus en plus lire de BD en ligne ?
Oui. Je pense même que dans moins de cinq ans, le marché papier aura entamé son déclin, et que celui ci sera plus rapide que pour l'industrie du disque, car les coûts de production du livre dépassent largement ceux des CDs.
De manière générale, penses-tu que la BD numérique (à lire sur le web, sur iPhone, sur PSP...) pourrait nuire à la BD papier ?
J'espère bien. La bédé numérique présente déjà un meilleur rendu des couleurs, et assez rapidement un meilleur rendu tout court que la bédé. Elle sera bien plus mobile, bénéficiera du wifi, de boutiques web 2.0 à la iTunes ou Amazone. Elle permettra à un auteur de gagner plus sur chaque vente, au lecteur de payer moins, elle épargnera les arbres et nos dos lors des déménagements. Surtout, elle nous débarrassera de ces personnes antipathiques que tout le monde déteste : les libraires et les éditeurs... Ahah mais non je plaisante, détendez-vous les gars! En tous cas je note que les utilisateurs américains de l'eBook d'Amazone sont dans l'ensemble fous de joie d'abandonner leurs livres. Donc j'y crois à fond : le jour où le bon support avec les bonnes chaines de diffusions verra le jour, ce sera RIP le papier et bon débarras... Reste qu'ils peuvent patiner sur des accords et des DRM à la con un bon moment. C'est un peu leur dada à ces gens-là...
Où peut-on voir ton travail en dehors des blogs ?
Sur les murs des salles de gardes des hôpitaux de Necker et de Saint-Louis. Ah, et dans mes albums aussi, ainsi que sur le site www.ohmforce.com, mon autre grand projet de vie...
As-tu des albums ? Peux-tu nous les présenter ?
Oui. Voici Ruppert, dans lequel je mets le gros de mes ambitions graphiques et littéraires : http://www.scifi-universe.com/critiques_staff.asp?media_id=13693&muz_id=2 Et voici Stevostin, dans lequel je mets le gros de mes ambitions humoristiques : http://www.geekzone.fr/blog/?2008/01/10/1546-les-folles-aventures-de-stevostin (je mets des critiques, ça fait genre « prenez un avis objectif » alors qu'en fait je les ai triées comme un goret...).
Qu'attends-tu de ta venue au Festiblog ?
Rencontrer des gens en premier lieu, papoter un peu, et puis pour être honnête, me trouver une petite place dans la communauté bédéblog. Jusque là j'ai un peu l'impression de passer pour le gamer qui fait une bédé, alors que la bédé, c'est ma grande passssssssion, et ce depuis un bail.
Parle-nous d'un truc qui n'a rien à voir avec la BD et que tu aimes ?
Le onze septembre. En fait c'est pas Ben Laden qu'a fait péter les tours.