Interview d'Ak, Boulet, Capucine, Libon, Lovely Goretta et Cali ...
Posté par We Do BD
On commence cette longue série d'interviews par le parrain du festival, le célèbre Boulet, et quelques-uns de ses amis : Lovely Goretta, Capucine, Libon, Ak et Cali. Un soir à l'entrepôt dans le 20ème, la bande de copains s'est livrée à une longue discussion, franche et directe, l'occasion pour eux de parler de leur blog sans langue de bois...
Quand et comment avez-vous commencé à dessiner ?
Libon : En fait je dessine depuis la maternelle et je n’ai jamais arrêté.
Capucine : Pareil sauf que j’ai arrêté puis j’ai été graphiste, ce que je suis encore, et je n’ai repris qu’il y a 2-3 ans. J’ai donc commencé la BD assez tard.
Boulet : Pour ma part, c’est une longue histoire… Pour bien la comprendre, il faut remonter 128 millions d’années en arrière. A cette époque les dinosaures régnaient sur le monde… Enfin bon… Moi c’est un peu comme les autres, j’ai commencé à dessiner tout petit, je me suis orienté dans cette voie vers le lycée. J’ai fait les beaux-arts, les arts déco. Une fois aux arts déco j’ai commencé à faire de la BD pour essayer de gagner ma vie, je participais à des concours pour gagner un peu d’argent, pour payer le loyer. J’ai alors été remarqué comme ça par Glénat, j’ai commencé à bosser chez eux comme pigiste. En sortant de l’école j’ai commencé à faire des albums chez eux, ce que je continue depuis 5 ans. Et puis voila, l’année dernière j’ai eu envie de faire un blog parce que je trouvais ça rigolo.
Lovely Goretta : Moi je dessinais avant la maternelle et j’ai repris la BD y a quelques mois, avant je faisais des décors de théâtre.
Ak : J’ai dessiné dès la maternelle sans me rendre compte que je le faisais, c’était une activité machinale. Il n’y a que 5 ans que je me suis rendu compte.
Capucine : Euh moi comme boulet mais en remplaçant Glénat par le Cycliste !
Justement pour les autres pourquoi un blog ?
Capucine : En
fait Boulet me traquait sur ce sujet depuis un petit moment… Un jour on
a décidé de faire un blog collectif, on m’a demandé d’y participer, je
me suis donc inscrite et je me suis rendu compte en m’inscrivant que
j’avais moi-même un blog et que ce serait dommage de ne pas m’en
servir.
Lovely Goretta : Moi j’étais à la campagne, je m’ennuyais, je n’avais pas de travail donc je m’y suis mise.
Ak : Moi c’est comme Boulet, c’est pour me faire des gonzesses ! En fait, au départ, c’était paradoxalement pour faire autre chose que du dessin puisque j’en faisais déjà sur mon site. Et puis, petit à petit, j’en suis venu au blog dessiné assez naturellement : ça permet de raconter sa vie de manière imagée.
Boulet : En arrivant aux Beaux-arts, une des premières choses qu’on m’a dite c’est de faire des carnets et de dessiner énormément pour m’entraîner au dessin. J’ai appliqué ce conseil à la bande dessinée, c'est-à-dire que je m’entrainais à faire de petites bandes dessinées pour m’amuser que je faisais ensuite lire à mes copains. Le blog a donc été un moyen assez naturel de raconter ma vie en BD et de diffuser mes travaux gratuitement.
Libon : Et moi comme Capucine avait un blog, je me suis mis à remplir les trous quand elle avait pas le temps et voilà le travail…
Quel est votre parcours ?
Capucine : En
fait, j’ai fait une terminale littéraire Anglais pour avoir un diplôme
général qui me permettrait de faire ce que je voulais après. J’ai fait
une prépa pour les Arts-Déco que je n’ai pas aimée, j’ai d’ailleurs
raté le concours des Arts-Déco mais j’ai heureusement été prise dans
une école qui s’appelle aujourd’hui l’Ecole Professionnelle Supérieure
d’Architecture de la Ville de Paris (EPSAVP) dans laquelle j’ai eu mon
diplôme de concepteur graphique. Dans cette école, on faisait de la
photographie, de l’illustration, de la calligraphie… bref plein de
choses différentes. A cette époque, je ne voulais pas forcément faire
du dessin. Aujourd’hui je suis maquettiste dans une maison d’édition
qui fait des ouvrages sur le voyage et des beaux livres. A coté de ça,
je fais des BD pour le plaisir, quand j’ai le temps. Je ne fais aucun
boulot de commande car entre mon boulot, mes BD et ma famille, je ne
veux faire que des choses qui me plaisent.
Libon : Moi c’est pareil sur la fin même si juste avant j’ai fait les Beaux-arts à Beauvais. Ensuite, j’ai fait la même école que Capucine, c’est là que je l’ai rencontrée. Du coup, j’ai la même formation de concepteur graphique. Aujourd’hui, je ne fais que de la BD et le soir des trucs pour moi comme des petits jeux en Flash.
Boulet : Comme je l’ai déjà évoqué, j’ai fait les Beaux-arts à Dijon et les Arts Déco à Strasbourg. Je suis devenu dessinateur de BD professionnel et je fais des albums chez Glénat, j’en ai pas mal à faire donc ça me prend tout mon temps.
Ak : Je travaille dans une garderie, dans un centre de loisirs. En bref, je m’occupe d’enfants. En fait, je suis en passe de devenir illustrateur parce que j’ai eu ma première commande récemment et je vais passer illustrateur indépendant à la rentrée.
Lovely Goretta : Moi à la base, je suis scénographe, costumière. Il m’arrive encore de travailler dans ce domaine mais j’aimerais ne faire faire que de la bande dessinée…
Combien de temps passez-vous sur à blogguer ?
Boulet : Le
matin je me connecte, je fais un peu la tournée, je regarde surtout les
blogs des copains, les blogs écrits, je décroche très vite. Je regarde
surtout ce que font Capucine, Mélanie, Cha et des autres gens que je
connais. Je dois avouer qu’à part ça la vie des gens m’intéresse moins.
Sinon sur mon blog, c’est surtout des choses que je fais pour moi.
Comme je le disais, ça me sert à m’entrainer, à me changer les idées et
c’est ce que je mets en ligne. Du coup, j’essaye de mettre à jour tous
les 2-3 jours…C’est souvent quand j’ai le plus de boulot que j’y
travaille. Après 10 heures sur une planche, j’ai envie de me changer
les idées. Quand je n’ai pas de boulot, j’ai surtout envie de glander.
Capucine : J’essaye de mettre à jour tous les 3-4 jours, je suis quand même moins régulière que Boulet. Quand je n’ai vraiment rien à mettre, je demande à Libon quelques trucs… On mélange des notes qu’on fait exprès pour le blog et des trucs qu’on fait dans des carnets de croquis. On peut très bien partir dans des gros délires ou mettre des trucs plus vrais…
Libon : … Tout ce qu’on ne peut pas vendre quelque part …
Capucine : … voila, c’est un fourre-tout.
Lovely Goretta : Quand j’habitais à la campagne, je passais beaucoup trop de temps dessus. Maintenant, j’essaye de passer moins de 2 heures par jour.
Ak : Comme
Boulet, je lis peu de blogs donc ça doit tourner autour de 10 minutes
par jour, je me lève, je fais la tournée et puis voilà. Et concernant
mon blog, je n’aime pas trop le principe de faire quelque chose pour
lui. Je l’ai toujours considéré comme un fourre-tout, j’ai toujours
fait des trucs inutiles pour me marrer que je filais à mes potes. Avant
y avait 5 personnes qui les voyait, maintenant y en a un peu plus…
Globalement je ne mets pas très souvent à jour, surtout dernièrement.
Boulet : Ce que j’essaye de faire de temps en temps, c’est de guetter les blogs dessinés des jeunes dessinateurs parce que je trouve ça intéressant de découvrir comme ça des nouveaux talents. C’est comme ça que j’ai connu Ak et Goretta. De liens en liens, j’ai découvert leur boulot, je leur ai dit que j’aimais bien, ensuite on s’est dit « Tiens on habite à Paris, si on se voyait » et ainsi de suite.
Quelle technique utilisez-vous pour créer vos note ?
Capucine : Pour
mes dessins, j’utilise un stylo fin jetable et tout ça sur un papier.
J’utilise aussi un feutre de calligraphie et un feutre pinceau de temps
en temps mais surtout pour la BD.
Ak : Je travaille directement sur ordinateur avec Photoshop, j’y suis habitué. Je ne fais pas de tracé, pas de croquis, c’est du direct.
Lovely Goretta : Je fais les dessins au feutre. Pour le blog, c’est du brouillon…
Boulet : … Et le pot de peinture sous Photoshop…
Lovely Goretta : …et sinon je fais mes dessins plusieurs fois quand il s’agit de l’album.
Boulet : Quand
j’étais petit, j’avais un dictionnaire illustré avec une image de
l’atelier de l’illustrateur. C’était un atelier de 50 m² avec trois
tables lumineuses avec des pots remplis de pinceau et des milliers de
tubes de peinture. Et je me disais « quand je serai grand, je voudrais
celui-là ». Par la suite, j’ai pris complètement le contrepied de cela.
C'est-à-dire qu’au niveau papier et matériel, j’utilise toujours ce
qu’il y a de plus pourri. Les notes de mon blog sont faites soit sur
mon carnet à spirale de base tout pourri avec un critérium bic à 0,5
euros. Sinon je dessine sur un stock de papier république française que
j’ai récupéré dans un déstockage d’une vieille librairie qui fermait.
Au niveau technique, je prends tout ce qui passe sous la main. Pour le
Miya, j’ai envoyé un brouillon à Libon qui était fait sur du PQ, c’est
authentique. Pour moi tous les supports et toutes les techniques sont
bonnes pour dessiner. Pour les planches, j’utilise du Canson 21x29,7 de
base pour écolier, je me fous du grammage, je me fous du stylo,
j’utilise un bic ou un Rotring. Pour la couleur c’est de l'aquarelle et
du Photoshop parce que j’aime bien.
Quels sont les buts et le public-cible de votre blog ?
Libon : J’aime bien ne pas trop me poser de question. En général ce qu’on met sur le blog, on ne se demande pas « c’est bien, ce n’est pas bien ?». On le met c’est tout ! En fait, on dessine ça vite fait, parfois comme des cochons et on voit. On ne se dit pas « Y a untel qui va venir ». D’ailleurs on est souvent surpris…
Lovely Goretta : Moi pareil, je ne fais ça que par plaisir de le faire.
Boulet : Moi je le fais pour un plaisir différent. J’ai déjà parlé du coté « entrainement » mais ce qui me manquait un peu dans la BD c’était le coté immédiateté. Quand on travaille 6 mois sur un album comme un reclus, il faut encore attendre quelques semaines pour avoir les retours de la presse spécialisée ou du public. Le blog c’est comme une tribune, on met à jour et on voit tout de suite ce qui touche et fait réagir les gens. Et c’est souvent très différent de ce qu’on avait imaginé. On va mettre un truc anodin et on va avoir plein de réactions et puis on va mettre un truc pour lequel on va s’être donné du mal et on va se rendre compte que tout le monde s’en fout. J’aime bien avoir ce retour direct. C’est comme monter sur une scène et voir comment réagit le public. Après ce qui est marrant, c’est qu’on a un public très différent du public BD habituel. On a vraiment un public d’internautes, de gens qui regardent ça au boulot. Au niveau tranches d’âge et milieu social, c’est très varié.
Capucine : Peut-être qu’il y a des gens qui se fichent complètement de la réaction des gens mais ce n’est pas mon cas. J’aime bien le coté « retour » des lecteurs et quand je vois que plein de gens sont contents, j’essaye de remettre une note plus vite.
Ak : Déjà que je ne mets pas à jour très souvent, si en plus je ciblais mes lecteurs, j’aurais deux ou trois lecteurs par jour. Par contre, quand on n’a pas toujours très confiance en soi, on est assez client de commentaires qui font plaisir et c’est vrai que sans se caresser l’ego, ça fait du bien.
Libon : Moi, il n’y aurait pas de commentaires, ça ne me dérangerait pas.
Voyez-vous des changements depuis la création de vos blogs ?
Boulet : Sur le plan personnel, ça m’a appris à dessiner de manière plus lâchée, plus rapide. Ca m’a rendu énormément service niveau dessin. Ce qui est bien avec le blog, c’est que c’est un laboratoire, on peut essayer plein de trucs, on s’en fout, on fait ça pour nous. C’est un peu égoïste comme démarche mais ça permet de faire ce que l’on veut, je fais des essais de couleur, je passe le tout sous Photoshop, etc. C’est l’occasion d’essayer de nouvelles choses que ce soit du point de vue graphique ou de celui de la narration et donc c’est très enrichissant. Après dans le public ce qui change… Ce que l’on en sait se situe au niveau des retours que l’on a au niveau des commentaires. Alors ce qui fait plaisir c’est quand on voit qu’on a de plus en plus de monde, quand on voit qu’on arrive à fidéliser des gens de manière quotidienne. Ce qui est extrêmement étrange, c’est que ça a beau être quelque chose de totalement gratuit et qu’on fait de manière totalement aléatoire, on a une demande qui est très forte et très très exigeante. On tombe sur des commentaires totalement surréalistes du genre « Je trouve que le niveau baisse, il faudrait peut-être vous reprendre, ça ne va pas du tout ». Il y a vraiment une réaction de consommateurs en fasse de nous qui parfois peut être vraiment déplaisante mais sinon il y a heureusement les réactions inverses qui font plaisir, celles de ceux qui aiment ça et qui en redemandent.
Ak : Mon blog a vraiment évolué puisqu’au départ il était totalement écrit. Aujourd’hui, il est totalement dessiné. Quand je fais une note écrite, c’est trop direct. Le coté dessin permet aux gens de faire leur propre interprétation. C’est un peu plus vicieux. Je précise que mon dessin est vicieux, moi pas du tout.
Goretta : Je trouve également qu’il y a des gens super exigeants et comme j’ai un sale caractère et que je m’emporte vite, des fois ça me #&$@# !
Libon : Chez nous, globalement, tout le monde s’en fout, les gens sont contents.
Y a-t-il vraiment des mécontents qui en deviennent pénibles ?
Libon : Des fois des gens qui nous envoient des fan arts et qui râlent parce qu’on ne les publie pas.
Capucine : En fait, on s’est rendu compte que ça n’intéressait pas les gens.
Libon : Un moment, j’en ai mis trois de suite, on a eu 4 commentaires. Du coup là, on va attendre d’en avoir plein pour les poster.
Boulet : J’ai eu le même problème avec les Roxanne, la petite barbare de Raghnarok, j’ai reçu des mails incendiaires de gens que j’avais oubliés. Mais je suis super content, j’en ai eu plein.
A l’inverse, avez-vous fait des rencontres sympas grâce à vos blogs ?
Boulet : Melaka je l’ai croisée à Angoulême mais j’avais commencé par son blog, et puis Goretta, Ak… Je rencontre beaucoup de gens en dédicace, quand on a fait celle pour « le Vœu de Marc » avec Lucie Albon, on avait communiqué sur le blog. Et puis j’ai retrouvé aussi de vieux amis grâce au blog. En se demandant ce que je devenais, ils sont tombés dessus et on a repris contact…
Ak : Moi personne n’a voulu me voir.
Boulet : Même pas une fille ? Pourtant t’es beau garçon, Mesdemoiselles, le numéro d’Adrien est 06…
Capucine : C’est vrai qu’Adrien, pardon Ak, pardon junior, on connaissait son blog et un jour en lisant son blog, on s’est dit on va lui proposer d’aller boire un verre avec nous.
Boulet : Pareil avec Cali qui est une de nos meilleures amies….
Pas de fans hystériques désireux de devenir vos amis ou croyant l’être devenus en lisant vos blogs ?
Capucine : Ca je vais laisser Boulet répondre…
Boulet : C’est assez fabuleux. Il y a des gens qui n’ont aucun recul par rapport aux blogs. Dès le moment où l’on part dans quelque chose d’un peu personnel, il y a des gens qui partent tout de suite dans une relation totalement amicale. On reçoit des mails de gens qu’on ne connait ni d’Eve, ni d’Adam et qui commence par un « Salut vieille couille, comment ça va ? ». Pareil en festival ou en salon, y a un mec qui vous tape dans le dos en criant « Salut Boulet comment va ? Mais si tu te souviens de moi ! Je suis le frululu masqué, j’ai laissé huhuhu y a 6 mois sur ton blog ! ». C’est assez surprenant. Professionnellement, y a des trucs assez incroyables. On me contacte assez souvent de faire des affiches, des festivals. Je réponds souvent « non » parce que je n’ai pas le temps mais de temps en temps je le fais. Et bien là encore, y a des trucs aberrants. Un jour j’ai reçu un mail « Bonjour, nous sommes une corporation d’étudiants, on s’est dit ça serait pas mal que Boulet nous fasse notre affiche. Voila les dimensions. Il nous le faudrait pour lundi. Travaille bien… » sans même demander s’il te plait ou quoi que ce soit. C’est marrant ce rapport qui se crée.
Ak : C’est-à-dire que mon savant dosage de mises à jours sporadiques et de ton pas spécialement amical ne me fait pas rencontrer ce genre de problème. Par exemple, Boulet, il a l’air sympa comme ça sur son blog alors qu’en fait… Moi c’est l’inverse.
Capucine : Je comprends un peu les gens. Je m’étais dit un jour après avoir lu un carnet de Sfar que je le tutoierais peut-être spontanément après avoir lu sa vie parce que je me sentais proche de lui.
Lovely Goretta : C’est vrai qu’il y a des gens un peu collants. A partir du moment où l’on raconte des choses personnelles, ils prennent ça pour du premier degré.
Boulet : C’est vrai que j’essaye de scénariser au maximum. Si je me sers de ma vie comme point de départ, de mon bide, de ce que je mange, je ne me livre pas pour autant. J’ai remarqué que si la ligne entre vie privée et vie publique est trop fine, on se fait vraiment emmerder. L’exemple typique c’est le blog de Laurel qui se livre souvent. Les gens se permettent vraiment de s’immiscer dans sa vie privée et elle se fait donc chahuter par des gros lourds. Je ne crois pas qu’on ait le droit de juger. C’est un peu dangereux pour ça, on ne doit pas faire de la téléréalité. On raconte, on ne montre pas.
Ak : Comme je fais plus de l’illustration que de la BD, je n’ai pas ce problème, j’utilise des métaphores et j’ai donc moins ce problème d’intimité.
Libon : Moi
ça m’est arrivé de raconter des trucs exactement comme ça s’est passé
et avec Capucine c’est tellement abracadabrant que personne n’y croit.
Genre le guacamole,
c’était vrai de A à Z ! Faut avouer que ça ne crée pas la polémique.
Quoiqu’on a senti le truc arriver, on a dit « S’il vous plait, ne
laissez pas de recette de guacamole dans les commentaires », on en a
eues quand même et là y a eu polémique. Si on a le malheur de dire j’ai
un bouton, on a 15 commentaires du genre « Moi j’utilise le biactol »…
(Arrivée de Cali) Bonjour, est-ce que tu peux présenter ton parcours, ton blog, ta technique ?
Cali : En fait, j’ai commencé par créer ce blog pour y publier des collages, ensuite seulement j’ai inséré des dessins et des peintures. Mon objectif initial, c’était de pouvoir montrer tout mes travaux en un seul et même endroit. Le fait que les gens laissent des commentaires, ça me motive à continuer et à en faire toujours plus. J’ai fait les Arts-Déco à Paris, j’ai fait les Beaux-arts à Aix et j’ai travaillé chez Mc Guff Line dans la 3D. Ensuite j’ai fait du mapping. Je ne fais de BD, c’est de la peinture numérique. J’utilise principalement Photoshop. Sur mon site, j’ai fait un tutoriel pour expliquer la différence avec la retouche photo.
Pouvez-vous présenter vos albums ?
Boulet : Raghnarok
4 albums parus, très bien, pas chers ! C’est un détournement d’heroic
fantasy pour enfant, ça raconte les aventures d’un petit dragon qui
apprend tout ce qu’il faut pour devenir grand et méchant. Il est
accompagné de sa bonne fée et d’une petite barbare de 8 ans qui
l’aident dans sa vie de tous les jours. Ensuite La rubrique
scientifique bientôt trois tomes parus, pas chers, parlez-en à vos
amis. C’est de la vulgarisation scientifique enfin même pas parce que
je pars de fondements scientifiques pour raconter des histoires
loufoques. Le personnage est un petit savant fou d’une dizaine année,
le professeur Boulet accompagné de son assistante Mademoiselle Agnès.
La troisième série c’est les Womoks que j’ai écrite en tant que
scénariste avec Reno au dessin, le mec qui poste encore moins
qu’Adrien. C’est l’histoire d’une bande d’étudiants dans le futur qui
se retrouve enrôlée dans l’armée spatiale par erreur et qui du coup, se
retrouvent à affronter des extra-terrestres alors qu’ils auraient
préféré glander. La quatrième série c’est le Miya, un album collectif
sur lequel j’ai invité Julien Neel, Reno et Libon. Ca raconte les
aventures d’une petite patate jaune avec une grosse massue dont la
seule préoccupation dans la vie est de bouffer. C’est un petit album
sorti en juillet. Le dernier album, Le vœu de Marc, a été écrit avec
Nicolas Wild pendant les arts déco. On voulait le faire dessiner mais
Nicolas n’avait pas le temps, moi non plus. Reno n’a pas voulu du coup
Lucie Albon l’a fait à la boite à Bulles et c’est vraiment très bien.
C’est l’histoire d’un gamin qui découvre une lampe magique et qui fait
le vœu que tous ses vœux se réalisent. Il découvre alors que ce n’est
pas si simple d’être omnipotent. C’est un album pour un public un peu
plus adulte même si à la base je n’ai jamais ciblé mes BD « jeunesse »,
je dessine surtout ce qui m’amuse. Les adultes lisant de plus en plus
de bande dessinées, ils sont certainement moins sensibles au clivage BD
jeunesse/adulte.
Libon : Ben donc Le Miya, des heures de rire, moi-même je riais en le dessinant. Sinon je fais Jacques chez Spirou. Je dessine ça de manière irrégulière et ils me le prennent quand il y a de la place. J’envoie les scénarios, ils les valident et je dessine. Ce n’est pas un truc créé pour être régulier. C’est l’histoire d’un grand lézard. C'est venu d'une fois ou j'avais dessiné une ribambelle de godzilla qui petaient tout et ça a evolué comme ça... Je fais également des illustrations dans le Psikopat notamment pour les nouvelles d’Olivier Ka...
Boulet : Je tiens à préciser que c’est un journal que j’adore et que je lis depuis que je suis adolescent, il faut le dire…
Libon : Pour revenir à Jacques, au départ c’était Godzilla miniature et c’est devenu le monstre super gentil qui ne comprend rien que l’on trouve dans Spirou. A la base, je ne visais pas à en faire un album mais ça viendra peut-être, ça serait sympa… Sinon j’ai un projet chez Bayard mais je ne sais pas si j’ai le droit d’en parler…
Ak : Moi comme annoncé sur mon blog, je reprends XIII et je sors le prochain « XIII contre les extra-terrestres de Lucifer ».
Capucine : Moi
j’ai un livre sur ma grossesse sorti chez Le cycliste. Il me tient
énormément à cœur et il s’appelle « Corps de rêve ». Ma démarche a été
simple. Un jour comme ça, je me suis retrouvée enceinte. Comme j’avais
rencontré pas mal de gens dans la BD, j’avais envie de dessiner. Je me
savais nulle en scénario donc je me suis demandé « Qu’est-ce que je
pourrais bien dessiner ? ». J’avais un sujet tout trouvé ! Je mettais
mes planches en ligne au fur et à mesure avec deux semaines de recul
sur des forums de grossesse. A partir de la 15ème planche, des copains
m’ont dit que c’était publiable. Quand j’ai eu fini le livre, j’ai
démarché les éditeurs et ça intéressait Le cycliste. Avec le recul, le
livre a bien marché et a été lu par des gens qui ne lisent pas
forcément de BD en général, donc je suis ravie ! Là je suis en train de
finir un autre album chez le cycliste qui s’appelle « Le Philibert de
Marilou » sur un scénario d’Olivier Ka. C’est une histoire très très
sombre sur une fille mal dans ses pompes mais le scénario est fabuleux.
J’en pleurais en dessinant les planches.
Lovely Goretta : J’ai signé un projet chez Albin Michel qui sort au mois de janvier. Sans trop en dire, ça sera sur les rapports de couple. Certaines planches sont retravaillées à partir de certaines choses du blog, surtout au début de l’album.
Cali : Moi je ne fais pas de BD, je fais de la peinture numérique…
Quelles ont été vos inspirations ?
Boulet : En fait moi j’ai été inspiré par Klimt. Sinon niveau BD, mes influences, c’est Franquin, Goossens, des dieux du dessin. Une de mes plus grandes idoles c’est Bill Watterson (Calvin & Hobbes). Dans la nouvelle BD y a plein de gens super intéressants comme Trondheim, Sfar, Bouzard. Sinon dans l’animation y a Matt Groening notamment Futurama dont je suis un fan absolu et puis Miyazaki !
Ak : Moi y a une grande référence c’est Jean-Michel Basquiat que les bourgeois comme Boulet aiment pas trop :) Sinon dans les références, c’est Reiser qui est génial. Et puis malgré les polémiques du net, Larcenet évidemment, c’est un grand.
Boulet : Ha oui mince moi aussi.
Libon : Et
d’ailleurs je voulais dire à tout le monde que j’ai copié tout mes
dessins sur Larcenet ! Non en fait on me le dit tout le temps mais ce
n’est pas vrai. J’aime bien ce qu’il fait mais je ne pense pas qu’il
fasse partie de mes influences. Pas plus que ça. On a le même âge, on
dessine depuis autant de temps. On fait des bonhommes avec des gros nez
avec des pinceaux. Y a des gens qui doivent croire que je dessine avec
ses albums à coté et que lorsque j’ai besoin d’un mec qui crie, je le
cherche dans un album de Larcenet pour le recopier. Et bien non !
Boulet : Le problème de ressemblance vient souvent des techniques. Capucine dessine au pinceau et en noir en blanc, du coup on lui dit qu’elle dessine comme Marjane Satrapi, c’est absurde.
Libon : Ouais enfin moi du coup, c’est plutôt les Monty Python, Gotlib et Goossens. Je vois très nettement les résurgences de Gotlib dans mes dessins, pas de Larcenet. Des fois je vois un bras, je me dis « Mince, c’est le bras que j’ai vu dans la Rubrique-à-brac ».
Boulet : Et à propos de Gotlib, quand j’ai fait la rubrique scientifique, on m’a dit « tu refais la rubrique-à-brac de Gotlib »… Je ne crois pas. Une fois j’ai repris, paraît-il, un de ses gags dans une planche, c’était en fait une histoire de Gotlib que je n’avais même pas lue. Une fois j’ai refait un gag de Zep et Zep en a refait un des miens. Ca prouve simplement qu’on peut être plusieurs à avoir une bonne idée, ça vient de l’air du temps. Y a un autre truc à ce sujet, c’est que les gens vont toujours chercher dans des influences connues alors que la personne qui m’a le plus appris à dessiner c’est Reno. On était ensemble aux Arts déco, on s’est vraiment influencés. Pareil avec Lisa Mandel qui fait Nini Patalo, niveau humour, elle a eu une influence monstrueuse dans mon travail… Pareil pour Lucie Albon ou Natacha Sicaud qui est pour moi l’une des meilleures dessinatrices au monde dont personne ne verra jamais l’influence. Je voudrais aussi citer certains de mes enseignants Yan Pei Ming, François Geissman, Wilfried Mille et Ida Tursic, ils m’ont vraiment appris énormément.
Lovely Goretta : J’ai
commencé à faire des bonhommes sans nez avec des grosses bouches à
cause d'Albert et Barnabé dans l’île aux enfants et sinon Margerin.
J’aime aussi Blutch et Larcenet mais ça ne se voit pas trop dans mon
travail. D’ailleurs je tiens à dire que je sais que je ne dessine pas
très bien mais ce n’est pas grave.
Capucine : Mon influence numéro 1 c’est Baudouin. On a beaucoup dit que je dessinais comme Satrapi, ça me fait plaisir mais elle m’a juste mis le nez sur quelque chose : on peut dessiner de manière très simple avec une grande qualité narrative. C’est le cas chez Davaudeau aussi. Quand je vois des gens qui travaillent comme ça, ça me donne envie de suivre leurs traces. Moi je garde le souci de faire un beau dessin alors que je devrais me concentrer sur la manière avec laquelle je raconte. Du coup, je reste plongée dans Baudouin qui sait faire les deux. Et puis le roi et l’oiseau, ça m’a marqué !
Cali : Tout le monde dit maintenant que je suis influencée par Klimt mais j’essaye d’évoluer. En fait comme je travaille par plaisir et que je suis influencée par les gens et le moment, ça peut vraiment varier. Je ne dessine jamais de paysages parce qu’ils s’en foutent. Peut-être que dans les lumières je suis marquée par Raphaël, sinon je crois que tout m’intéresse.
Un dernier mot ?
Boulet, Ak, Libon, Capucine, Lovely Goretta : ARRETEZ DE DIRE PREUM’S SUR NOS BLOGS !
Boulet : C’est vrai, on va passer pour des vieux cons en disant ça mais on a des vrais chevaux de bataille comme le langage SMS. Arrêtez de communiquer avec des lol, ptdr et kikou…
Capucine : … on ne vous prendra jamais au sérieux avec ça …
Boulet : … je crois que c’est Cha qui a mis pas de langage SMS dans ses commentaires, elle a vraiment bien fait ! Et sinon je voulais parler du Club Yaourt avec 4 ou 5 jeunes dessinateurs, à part un plus vieux, qui ont vraiment du talent. Y a que du bon, c’est une excellente surprise du web !
Lovely Goretta : Y a aussi La Cie Larirette, un collectif de filles qui mettent en ligne leurs dessins. J’en fais partie et il n’y a pas assez de visite !